•                    



                                                 

    Nominé à Cannes cette année : Eric B., pour sa version remastérisée du « Terminal » de Spielberg

     

     

     

     

     

     

    Quand y’en a une, ça va. C’est quand y’en a plusieurs que les problèmes arrivent (avec Madame)

                            

    Xavier Bertrand tentant une Eric Besson. Pas une réussite Majeur.



    Evitez les heures de pointe dans le métro : l’air y est suffoquant et les fréquentations très aléatoires.

                      

    Contrairement à ce que dit la légende, Eric Besson n’a pas fait un enfant dans le dos aux socialistes.



  •           Depuis ce lundi, le débat annoncé par le Ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale est ouvert sur la toile avec l’ouverture d’un site spécialement créé pour l’occasion. A la vue du faible nombre de rendez-vous proposés par le site (cinq pour l’instant) par rapport à la place médiatique que le débat a pris depuis deux semaines, c’est sur le net que la bataille sera la plus importante. Les dernières campagnes présidentielles, celle, française, de 2007 ou américaine de 2009 ont prouvé l’importance du web quant à la diffusion d’idées via les blogs et les vidéos sur les sites de partages. Nicolas Sarkozy a mis en place dès son arrivée à l’Elysée le site « la présidence de la république » où toutes les vidéos de ses discours et de ses déplacements sont en libre accès. Le FN proposera lui aussi son propre site web sur la question, l’enjeu étant de « concurrencer » le site du gouvernement.


           L’ouverture d’un site web et d’une page sur facebook permet en premier lieu de mettre en place des réseaux et de diffuser rapidement une information, un rendez-vous, une idée. A la suite des différentes critiques face à l’ouverture du débat, le ministre à déclaré que « le peuple français s’est saisi du débat sur l’identité nationale ».  Un sondage du Parisien – Aujourd’hui en France publié ce week-end indique que 60% des personnes interrogées pensent que l’ouverture du débat est « une bonne chose ». Mais qui sont ces Français qui se sont saisis du débat ?

    Lorsqu’on découvre le site on peut remarquer différentes rubriques telles que « Ils s’expriment » où l’on peut lire les différentes déclarations sur le sujet publiées dans la presse. A la première page de la rubrique, ce sont pour la plupart des interventions de personnalités de la gauche (du PS au NPA) qui s’affichent. Il s’agit alors de Français « reconnus » et faisant partie de la sphère politique. Les concepteurs du site ont fait le choix de reprendre toutes les déclarations de politiques et d’intellectuels pour montrer que le débat est ouvert mais aussi pour éviter que l’on accuse le ministre de langue de bois. A l’inverse, la bibliothèque proposée par le site semble plus que partisane : des auteurs de la troisième république (Jules FERRY, Jules MICHELET, Ernest RENAN) à leurs héritiers (Jacques JULLIARD et Max GALLO), ainsi que des discours d’hommes politiques (Charles DE GAULLE,  André MALRAUX, Jean JAURES). Il est nécessaire de s’interroger sur le contexte d’écriture de ces différents ouvrages et discours. Ces travaux furent, en premier lieu, une réponse à la recherche d’une construction de ce qu’est la nation à la fin du XIXème siècle. Dans un deuxième temps, le débat fut reposé, notamment par Marc Bloch, dans le contexte de la défaite de la Seconde Guerre Mondiale. On peut aussi s’étonner de l’absence d’ouvrages tels que Le mythe national : l’histoire de France revisitée de Suzanne CITRON, Qu’est ce que l’identité nationale  de Gérard NOIRIEL, La création des identités nationales de Anne-Marie THIESSE ou bien encore Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythe et réalité d’Eric HOBSBAWM. La lecture de ces différents ouvrages permet entre autre de recontextualiser la notion d’identité nationale et donc les auteurs qui la façonnent, cités par le ministère au travers de cette bibliothèque (voir note de bas de page).

    Mais la rubrique « vidéothèque » sera sans doute plus visitée que cette bibliothèque. L’enjeu est d’atteindre, de toute façon, le plus grand nombre.  Cette première page, nous permet de voir le visage de ces français ayant pris part au débat. 

    Capture d'écran de la "vidéothèque", lundi 2 novembre, 17H30
     


    A première vue, on peut penser qu’il s’agit de huit vidéos avec huit personnes différentes : cinq hommes, trois femmes, deux jeunes, deux noirs et une personne âgée. En réalité, on nous renvoie à chaque fois sur la même vidéo qui est un micro-trottoir avec ces huit personnes. Le micro-trottoir est une pratique courante utilisée dans les émissions de télévision pour introduire un débat. Il permet via l’utilisation d’inconnus de mettre en exergue les différents arguments de chaque parti, il suffit de sélectionner les bons passages et de monter correctement la vidéo. Daniel Schneidermann avait fait la démonstration dans une émission d’Arrêt sur images de 1996, qu’ « avec le montage on fait dire ce qu’on veut, à qui on veut, comme on veut ».


    Extrait d'une émission d'Arrêt sur images - 20 janvier 1996


    Le problème ici est que l’utilisation de cette pratique par le gouvernement correspond plutôt à une mise en scène bien orchestrée. Au visionnage de ce micro-trottoir, les Français sélectionnés semblent avoir déjà bien compris les différentes propositions du ministre, telles que « être fier dans son pays », « savoir lire et écrire le français », « le partage d’une destinée » et « respecter le drapeau national français ». Les injonctions du ministre sont tout naturellement reprises par les intervenants, notamment par ceux censés représenter une origine étrangère.

     

    Même si les propos des personnes interrogées semblent très proches des premières pistes proposées par le ministre, c'est l’attitude de certains d’entre eux qui interpelle. On peut observer des lapsus dans ce petit montage que l’auteur du film n’a su voir. Le regard de certains intervenants penche vers le micro, on a l’impression qu’ils ne répondent pas de façon intuitive mais qu’ils récitent. Le troisième intervenant regarde à plusieurs reprises vers la gauche du micro et s’arrête après chaque argument. On a la même impression lors de l’intervention de la personne plus âgée qui semble vérifier son argument avant d’affirmer qu’être français, c’est « respecter toutes les règles (euh) qui vont avec, toutes les lois françaises ». Est-ce que certains de ces Français lisent leurs définitions d’ « être français » ? En visionnant une vidéo de l’Express ayant eu la même démarche de micro-trottoir, le ton des intervenants est nettement différent et personne ne semble s’inspirer du micro !

     


    Micro-trottoir réalisé par le ministère

    Micro-trottoir réalisé par l'Express.fr 

     

    Dans un article devenu célèbre « L’opinion publique n’existe pas », Pierre Bourdieu nous avait mis en garde contre les fonctionnements et les fonctions des sondages d’opinions. On pourrait se poser la même question autour du dispositif qu’utilise le gouvernement pour prouver l’intérêt des Français pour le débat sur l’identité nationale. La communauté créée par le site web et par facebook n’est en réalité qu’une communauté imaginée et organisée. Et la diffusion de ce genre de vidéo ne permet que d’imposer un discours qui pourra être repris facilement par les internautes.

    De plus, le ministre indique dans une interview sur les ondes de BFM ce même lundi, que plus de « 750 contributions » étaient parvenus sur le site. Peux-t-on réellement parler de contributions ou plutôt de petites-phrases et de slogans ?
     

      

    Capture d'écran de la rubrique "vos contributions" , lundi 2 novembre, 17H30

     

    Qui sont les modérateurs du forum ? Où peut-on signaler un abus ? Un article de Rue89 « Débat sur l’identité nationale : des textes d’internautes censurés », apporte des premières réponses à ces interrogations. Selon l’article, de nombreux internautes ayant tenté de contribuer se sont vus censurer leurs propositions, drôle de « débat participatif » !

     

    L’ouverture d’un débat sur l’identité nationale par le ministère chargé de l’Immigration est dangereux comme l’ont indiqué de nombreux d’historiens, à la suite de la création du ministère en 2007. La participation à ce genre de cyber-débat est aussi dangereuse dans sa pratique car celui-ci correspond en réalité à l’accumulation d’idée sans que celles-ci se confrontent ou s’unissent. L’enjeu n’est pas de construire un consensus  mais bien de mettre en place une multitude d’avis individuels qui cherchent, pour la plupart, à contredire un avis précédemment inscrit. La seule parole audible et compréhensible sera donc celle du gouvernement et ceux qui prendront parti dans les différents débats médiatiques. Le @-débat sera la source d’une légitimité qui ne résulte en réalité que d'une énième opération de communication du gouvernement.

    Comme l’a proposé le philosophe Mathieu Potte-Bonneville, dans une tribune à Libération, il est important de répondre à cette question « pour vous, qu’est ce qu’être français ? » par cela ne vous regarde pas. Mais d’autres questions peuvent se poser : pourquoi un tel débat avant les élections régionales ? Quelles sont les sources idéologiques de cette notion ? Quelle est l’histoire de la notion d’identité nationale ? Qu’est ce qu’un mythe national ? L’enjeu n’est pas de répondre aux questions proposées dans ce débat mais bien d’être vigilant et de fournir un effort critique face à celui-ci.

     

     

    Jean B.




    Note de bas de page: Le retour au questionnement sur la nation est du entre autre à un auteur absent de la bibliographie proposée par le site. Pierre Nora est sans doute le premier au début des années 80, avec les Lieux de mémoires à réintroduire la question de la crise identitaire française. Il explique dans son introduction que « peu d’époques ont vécu de façon aussi problématique la cohérence du passé national et sa continuité. Nous savions autrefois de qui nous étions les fils … et nous sommes aujourd’hui les fils de personne et de tout le monde».  La notion de crise identitaire a été une réponse à plusieurs évènements passés. Après le « vive la crise » des années 80, les acteurs de ce débat pensent pouvoir régler les difficultés auxquelles la France est aujourd’hui confrontée en instrumentalisant cette question. Le débat n’est au final qu’une diversion répondant à des besoins électoralistes.



  •        D'un coté, Daniel Vaillant se prononce sans ambiguïté sur la légalisation du cannabis. De l'autre, le gouvernement lance une campagne sur le thème « Drogues : ouvrez les yeux ».
    Au Etats-Unis, la Californie compte près de 200 dispensaires de marijuana.
    Ces évènements posent un débat sur la dépénalisation voire la légalisation du cannabis et sur la question du statut de cette herbe. Un statut qui pose bien des soucis aux politiques.

           D'abord, essayons de comprendre quelle est l'étendue de la pratique de la « fumette ».
    Reprenant les chiffres de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, on constate qu'en moyenne, en Europe, 20% de la population a déjà consommé du cannabis une fois dans sa vie, soit un cinquième de la population européenne, 71,5 millions de personnes.
    Recadrons à notre cher territoire français et constatons que la France fait figure de vilain petit canard drogué puisque elle se place deuxième en Europe sur ce même taux : 30,6% des Français entre 15 et 64 ans a déjà consommé du cannabis. Ce taux passe même à 43,6% chez les 14-34 ans.
    Nous ne sommes donc pas face à une pratique marginale de petits délinquants ou de forçats de la piquouse, clairement.
    Du coté de la législation, le consommateur s'expose à des peines maximales de 2 mois à 1 an d'emprisonnement et à 75 à 2200 euros d'amende.

    A l'opposé, on constate dans de nombreux Etats, une dépénalisation de la pratique et du commerce.
    Il y a l'exemple si bien connu des Pays-Bas et de ses nombreux coffee-shop mais cela ne s'arrête pas à cela.
    Le Portugal a voté la dépénalisation, l'Argentine a déclaré inconstitutionnelles toutes poursuites à l'encontre des adultes simples consommateurs, le Mexique est allé plus loin en annonçant une dépénalisation de l'usage de l'ensemble des drogues. La dernière affaire en date concerne les Etats-Unis où Obama a demandé à ses procureurs de ne plus poursuivre les patients et dispensaires dans les Etats ayant légalisé la pratique cannabique.
    Nous n'avons donc pas affaire à une représentation universelle de l'usage du cannabis. Pour résumer, l'idée que le cannabis est une drogue à prohiber est une construction.

    Avec l'aide de Howard Becker, de son ouvrage Outsiders et d'un de ses articles, nous pouvons montrer la construction d'une telle représentation.
    Il y a tout d'abord l'action de ce que Becker appelle « des entrepreneurs de morale » qui trouvent dans la création de normes leur raison d’être.
    Ils cherchent à supprimer le vice en créant le plus de normes possibles; plus largement ils se donnent comme mission d’ « aider ceux qui sont en dessous d’eux à améliorer leur statut » en élaborant des normes.
    Ici, la norme mise en place est celle de définition du cannabis comme drogue.

    Howard Becker, dans son article, s'intéresse au processus définitionnel et constate deux étapes. La première est la combinaison entre substance, mode d’administration et personne. « Quand une substance est ingérée d’une manière considérée comme impropre, par un type de personnes considéré comme inadéquat, et pour un usage lui aussi compris comme impropre, la substance est candidate pour être définie comme un narcotique. »

    La deuxième étape se centre autour de la personne qui doit considérer que la combinaison est inappropriée et donc que la substance est une drogue. Dans nos sociétés modernes, l'Etat est celui qui prend en charge ce travail de définition. En effet, il est la seule institution capable d'être un entrepreneur de morale assez puissant pour imposer sa définition à tout le territoire. Contrôlant les définitions médicales à travers son ministère de la Santé et contrôlant les enjeux légaux associés à n'importe quelle substance, l'État, à travers ces agents, décide des catégories et de ce qui s'y inscrit.

    Il y a, bien sûr, une lutte de pouvoir dans ces définitions et chacun cherche à modifier la manière dont la substance est considérée : dernièrement, le principal conseiller du gouvernement britannique sur les drogues a critiqué la décision du gouvernement de reclasser le cannabis comme une drogue. Cela lui a valu une démission forcée.

    Une fois la norme élaborée et le nouvel ensemble de loi créé, il faut la faire appliquer : « Ce qui a débuté comme une campagne pour convaincre le monde de la nécessité morale d’une nouvelle norme devient finalement une organisation destinée à faire respecter celle-ci» (H.Becker, Outsiders).
    D'où la récente campagne lancée par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

    A la fin de l'action de l'entrepreneur de morale, l'utilisateur de cannabis se trouve étiqueté comme hors-de-la-norme, un déviant et puisqu'il y a une législation, il est aussi un délinquant.

    Selon l' Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, le cannabis est la drogue la plus souvent citée dans les rapports de police concernant des infractions à la législation antidrogue en Europe. La majorité des délits liés au cannabis ont traits à la consommation ou à la possession pour usage personnel plutôt qu'au trafic et à l'approvisionnement. Dans la majorité des pays déclarants, entre 62 et 95 % des délits liés au cannabis ont trait à la consommation.


    Ainsi, on peut se poser la question de la définition du cannabis comme drogue et du consommateur comme délinquant car ni l'un ni l'autre ne sont marginaux et hors-de-la-norme. Le fait qu'il y ait une telle divergence entre les pays sur le statut du cannabis montre que sa définition de drogue n'est pas intrinsèque à sa nature et à ses effets. Il est donc nécessaire de comprendre quels intérêts ont certains Etats, dont la France, à continuer à faire de la pratique cannabique, un acte délictueux.

    Ian LD

    BECKER, Howard, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Métailié, Paris, 1985



  •        Avant même de dessiner les circonscriptions électorales, la répartition départementale des sièges avait déjà permis au gouvernement de se tailler la part du lion

    Tout le monde a compris aujourd’hui, à la lecture des articles de presse de l’été et de la rentrée, que le découpage des circonscriptions législatives pouvait rapidement devenir un ouvrage de mercière très élaboré, débouchant parfois sur des pièces de tissu très difficiles à enfiler si l’on respecte la démocratie. Les coups de ciseaux très sophistiqués du gouvernement ont cette fois encore dessiné sur des circonscriptions aux formes particulièrement biscornues. Par contre s’il est assez aisé, en regardant une carte, de remarquer la supercherie, il est moins évident de réaliser, que ce n’est qu’un aspect, sans doute pas le plus important, de l’entreprise. En amont du dessin des circonscriptions, la répartition du nombre de sièges de député alloué à chaque département est un enjeu primordial

    La répartition peut entraîner de bien plus graves entraves à la justice électorale, que le tracé des circonscriptions en lui-même, surtout en France, où celui-ci est relativement bien encadré par le droit. Dans le cadre du projet actuellement mené par le gouvernement, il s’agit de répartir les 577 sièges de députés entre les départements (mais aussi les collectivités d’outre mer et les français de l’étranger) en fonction de leur population. L’opération parait simple : il suffit de diviser la population du département par la population de la circonscription moyenne pour obtenir le nombre de sièges octroyé au département. Mais la probabilité que ce calcul tombe juste est infime et l’enjeu réside en fait dans la répartition des restes.

    Il existe diverses méthodes pour répartir les restes, dont les résultats sont sensiblement différents. Traduisant le faible intérêt que les professionnels de la politique portent à la question, les débats parlementaires précédant le vote de la loi habilitant le gouvernement à découper par ordonnance ont rapidement éludé cette question pourtant essentielle. La méthode choisie par le gouvernement dite « de la tranche » (scientifiquement méthode Adams, déjà employée en 1958 et en 1986) consiste à arrondir les quotients des départements à l’entier supérieur, c'est-à-dire à chaque fois qu’il y a un reste (une tranche commencée) on alloue un siège supplémentaire. Pour ce faire il faut prendre un grand diviseur (125 000 habitants, alors que la circonscription moyenne est de 112 998) pour ne pas avoir trop de sièges. Cette méthode avantage considérablement les départements les moins peuplés, car l’augmentation du diviseur se ressent d’autant plus que la population du département est importante : diviser une population de 150 000 habitants par 125 000 ou 113 000 donne toujours 1 suivi d’un décimale, soit deux députés, alors que diviser 2 million par 125 000 ou 113 000 donne soit 16, donc 16 députés soit 17,7 soit 18 députés.

    Ainsi, pour le projet actuel, dans les vingt départements les plus peuplés un député représente 119 559 habitants, alors que dans les vingt départements les moins peuplés un député représente 93 183 habitants. Les voix de trois électeurs de ces petits départements comptent donc autant que les voix de quatre électeurs des grands départements…

    Notons au passage que la méthode de la répartition à la plus forte moyenne, que le Parti Socialiste a brièvement défendu lors des débats parlementaires, provoque les effets exactement inverses, car il s’agit d’arrondir toujours à l’entier inférieur (16,1 = 16 ; 16,9 = 16) et donc avantage considérablement les départements les plus peuplés.

    Une autre méthode de répartition, dite de « Sainte-Laguë » (du nom du mathématicien qui l’a inventée) propose d’arrondir les restes mathématiquement : en dessous de 0,5 on arrondit à l’entier inférieur et au dessus à l’entier supérieur (16,4 = 16 ; 16,6 =17). Cette méthode est de très loin celle qui respecte le plus l’égalité des suffrages entre les citoyens, comme le démontrent les travaux de Michel Balinski, spécialiste du découpage électoral1. Une comparaison des résultats obtenus avec la méthode du gouvernement et celle de Sainte-Laguë, fait apparaître des écarts considérables : dans vingt-cinq départements la méthode de Sainte-Lagüe propose un nombre de sièges différents, rééquilibrant l’écart entre les départements les plus et les moins peuplés. Le choix de la méthode n’est pas anodin, les départements les moins peuplés, ruraux, votent majoritairement à droite, alors que les départements les plus peuplés, qui votent plus à gauche vont perdre plus de sièges qu’ils ne devraient (le Nord, Paris et le Pas de Calais perdent 8 sièges dans le projet actuel, alors qu’ils n’en perdraient que 4 avec Sainte-Lagüe). En analysant vingt-cinq ans de scrutins législatifs et cantonaux dans les départements concernés (les circonscriptions législatives étant une agrégation de cantons au sein d’un département, cela représente une base de comparaison très pertinente), on peut avancer qu’avant même de tracer de nouvelles circonscriptions, le choix, passé inaperçu, de la méthode Adams, plutôt que celui de la méthode de Sainte-Lagüe octroie à la droite, par rapport à la gauche, un gain de seize ou dix-sept sièges, sans le moindre égard pour l’égalité des citoyens face au suffrage.

    De la même manière, la méthode proposée par les socialistes aurait étouffé la représentation des petits départements, aurait largement avantagé l’opposition, et n’aurait pas plus respecté la justice électorale. N’oublions pas qu’en France le découpage électoral reste une entreprise politicienne, et que l’on n’aura jamais de carte électorale qui respecte la justice électorale, sans confier cette mission à une autorité indépendante, comme c’est le cas au Royaume-Uni, à moins de passer au scrutin proportionnel dans une circonscription unique.

    Fabien Duquesne

     

    1 BALINSKI, Michel, Le suffrage universel inachevé, Paris, Belin, 2004.


  • Premier et troisième mercredis du mois, de 17 à 19 heures, du 4 novembre 2009 au 2 juin 2010
    à l’amphithéâtre, 105 boulevard Raspail, Paris 6e

     
    Michel Agier (DE EHESS), Mathieu Arnoux (DE EHESS), Isabelle Backouche (MC EHESS), Michel Barthélémy (CR CNRS), Irène Bellier (DR CNRS), Alban Bensa (DE EHESS), Alain Blum (DE EHESS), Juliette Cadiot (MC EHESS), Simona Cerutti (DE EHESS), Francis Chateauraynaud (DE EHESS), Fanny Cosandey (MC EHESS), Robert Descimon (DE EHESS), Sophie Desrosiers (MC EHESS), Nicolas Dodier (DE EHESS), Jean-Claude Galey (DE EHESS), Nancy L. Green (DE EHESS), André Gunthert (MC EHESS), Elie Haddad (CR CNRS), Liora Israël (MC EHESS), Christian Jouhaud (DE EHESS), Cyril Lemieux (MC EHESS), Cédric Lomba (CR CNRS), Birgit Müller (CR CNRS), Mary Picone (MC EHESS), Sylvain Piron (MC EHESS), Sophie Pochic (CR CNRS), Alessandro Stella (CR CNRS), Christian Topalov (DE EHESS)

     
    Le séminaire ici proposé se situe dans la suite des mouvements nés dans le monde universitaire français du refus du nouveau dispositif d'enseignement et de recherche mis en œuvre par le gouvernement de M. Sarkozy : « autonomie » des universités, nouveau statut des personnels, mastérisation des concours, transformation du CNRS et des autres EPST en « agences de moyens », nouvelles formes d'« évaluation » inspirées de la gestion des entreprises, etc. Cet ensemble de « réformes » a suscité parmi les universitaires et chercheurs de très vifs débats. Certains le soutiennent activement, d’autres le refusent farouchement et aspirent à d’autres réformes. Le rapport des forces est incertain et l’avenir reste ouvert.

     
    Comme les autres séminaires de notre établissement, celui-ci poursuit des objectifs scientifiques, épistémologiques et pédagogiques : il s'agit de décrire, de comprendre et d'expliquer ce qui est en train d'arriver. Les formes de l’enquête seront pour une part classiques : analyse de documents, observations de type ethnographique, étude des trajectoires et configurations d’acteurs, des argumentaires et des actions, des institutions et des constructions normatives. Mais il s’agira aussi d’une « enquête publique » qui fait appel aux acteurs eux-mêmes et propose un cadre à leur confrontation. La parole sera donc largement donnée aussi bien à ceux qui combattent les « réformes » qu’à ceux qui les approuvent ou s’en accommodent. Nous ouvrirons aussi le propos à d’autres domaines de la vie sociale où se développent des politiques analogues d’asservissement des biens publics aux logiques de marché.

     
    Si la France sera le premier objet de nos interrogations, nous pratiquerons autant que possible une démarche comparative et d’histoire croisée orientée vers les autres pays européens, mais aussi vers les États-Unis, sans doute la référence la plus mobilisée dans les controverses sur les politiques des sciences, et vers les nouvelles puissances scientifiques en Asie ou les puissances déchues, comme l'ancienne URSS. Il est en effet évident que les changements des dispositifs scientifiques sont parties intégrantes d'un projet global, dont l'expression européenne a été inaugurée par le processus de Bologne et le conseil européen de Lisbonne. Nous étudierons la formation de ce projet et les usages locaux de celui-ci et, plus largement, des références étrangères.
    Le séminaire s'interrogera sur l'émergence de nouveaux rapports sociaux dans le monde de la recherche (précarisation de l'emploi, dépendances nouvelles, individuelles ou collectives...), sur les conséquences scientifiques de l'hégémonie annoncée des financements contractuels, sur les nouvelles formes de l'évaluation actuellement imposées mais contestées, sur les conditions de l'innovation et de la découverte scientifiques, sur les marges d'action des personnels scientifiques pour empêcher la mise en place de ce nouveau dispositif d'organisation de la science, ou pour résister en son sein là où il s’est imposé : marges professionnelles (quelle autonomie des chercheurs dans le choix de leurs thèmes et de leurs méthodes ?), civiques (quelles sont les formes actuelles de la demande sociale vis-à-vis des sciences et des sciences sociales en particulier ?) et politiques (quelles actions collectives sont envisageables pour que les acteurs de la science gardent leur mot à dire dans la définition de leur propre activité ?)

     
    Ce séminaire alternatif sera réactif aux évolutions de l’actualité ; lieu d’une veille face aux réformes de la recherche et de l’enseignement, il ne s'interdira par principe d'aborder aucun des problèmes que suscitent aujourd'hui les politiques des sciences. Nous espérons qu'il participera au vaste mouvement qui tend à faire regarder comme inacceptable une « réalité » qu’on nous annonce comme inéluctable et à rendre à nos professions leur dignité, leur autonomie et leur sens du bien public.

     
    Adresses électroniques de contact : agier(at)ehess.fr, descimon(at)ehess.fr, topalov(at)ehess.fr



    4 novembre 2009 – Ouverture
    Enjeux et futur du mouvement universitaire
    modération : Robert Descimon
    Luc Boltanski (EHESS), Pauline Delage (doctorante EHESS, Sud), Marcel Gauchet (EHESS) et Isabelle This Saint-Jean (Paris 13, SLR)

     
    18 novembre 2009 – Régimes d’évaluation 1
    L’évaluation comme principe politique
    modération : Michel Agier
    Richard Rechtman (CHS La Verrière, IRIS) sur l’hôpital psychiatrique, Emmanuel Didier (GSPM-EHESS) sur la police, Albert Ogien (CNRS-CEMS) sur la Lolf, Sylvain Piron (EHESS) sur la recherche

     
    2 décembre 2009 – Recherche et société 1
    Savants autonomes, sciences utiles ?
    modération : Christian Topalov
    Hélène Conjeaud (CNRS Physique du vivant, SLU) « Les ‘savants’ des sciences utiles sont-ils encore autonomes? Exemples tirés de la recherche en biologie cellulaire et en immunologie », Dominique Pestre (EHESS), Francis Chateauraynaud (EHESS) « Sociologies des sciences et modes de financement de la recherche. De l'anti-académisme au management des projets ? », Marc Lipinski (CNRS et Région Île-de-France) [sous réserve]

     
    16 décembre – Régimes d’évaluation 2
    Enquête sur les pratiques de l’évaluation collégiale : le CNU
    modération : Robert Descimon
    Introduction par Nicolas Dodier (EHESS et INSERM)
    Philippe Boutry (EHESS et Paris 1) sur la section 22 (histoire moderne et contemporaine), Stéphane Beaud (ENS) sur la section 19 (sociologie, démographie), Pierre Judet de la Combe (EHESS et CNRS) [sous réserve]
    Discutant : Nicolas Pouyanne (section 25 : mathématiques, secrétaire de la CP-CNU) [sous réserve]