• Trait d'humeur : sur la suppression de l'histoire-géographie


              La volonté  du gouvernement de supprimer l'enseignement de l'histoire-géo au lycée, dans les filières scientifiques, semble étonner de nombreux internautes qui y vont de leur petit commentaire sur les ''sites d'informations'' pour dire qu'ils ne sont pas d'accord. Mais ce n'est pas nouveau, qu'est-ce qui peut bien les étonner ? Est-ce peut-être le fait que cette volonté soit affichée avec tant de mépris et de suffisance par le gouvernement ?

    Supprimer l'histoire-géo, et c'est enfoncer une porte ouverte que de le dire, c'est enlever les outils critiques et de réflexions aux futurs citoyens et électeurs. Cela permet ensuite de raconter n'importer quoi, de mélanger les contextes, les hommes, les idées pour leurs faire dire ce que l'on veut. On peut voir, malheureusement, que le président actuel n'a pas attendu la fin de l'abrutissement de la population pour commencer ce petit jeu, et que cela n'a pas beaucoup dérangé. Oui, il y a bien un ou deux intellos qui sont montés au créneau. Mais bon, ils ne sont pas dans le show. Ha, société spectacle quand tu nous tiens ! Oui parce qu'il faut être people; people dans les références employées pour parler d'histoire et people pour avoir le droit d'en placer une.

    Après l'histoire-géo, la philo, puis le français ? Après les filières scientifiques, les filières économiques et littéraires, avec la création d'une filière histoire-géo bien limitée pour les plus récalcitrants ? Oui tout ceci est ridicule, c'est probablement caricaturé... Probablement !

    En parallèle, la rationalisation du savoir de la population au service du pouvoir, passe par la mise en place d'un discours officiel de l'histoire, à vocation à devenir prédominant. Ce discours s'exprime notamment par l'édification d'un musée d'histoire de France, glorifiant celle-ci dans une présentation sélective et linéaire. De fait, ce discours sur cette histoire, peut être modulé selon ce que l'on veut lui faire dire, et donc selon ce que le pouvoir veut en faire.

    Cette démarche de l'utilisation de l'histoire est celle engagée par Nicolas Sarkozy pendant sa campagne. Cette démarche est celle du brouillage des pistes, à la fois historique et politique. Elle permet de créer une Histoire nationale de la France. Il s'agit de présenter l'histoire comme une ligne continue de l’antiquité à aujourd'hui, avec ses grands hommes, de belles figures et des lieux pour les ancrer, soustraits de leurs contextes historiques, et transformés en icônes nationales. Le brassage des hommes et des époques, ainsi que le fait de passer sous silence toute dimension idéologique des actes entraînent une dépolitisation de l'histoire, au service de ce que ce veut la domination. Le fait d’enlever les quelques bribes de culture historique enseignées en classe de terminale poursuit cette démarche de manipulation et permet de faire avaler n'importe quoi.

    Un seul discours gouvernemental sur l'histoire, pas d'outils critiques pour analyser et comprendre le présent : c'est un tableau bien noir que je dépeins, et il est facile de me reprocher mon exagération. J'émets cependant une crainte sur la dégradation, déjà commencée, de la capacité critique de nos contemporains d’aujourd’hui et de demain à réfléchir sur l'utilisation du passé et l'évolution du monde et de la société; les outils pour les analyser n'étant plus transmis et la pensée encadrée.

     

    DCD.

     

    Pour aller (beaucoup) plus loin :

    Laurence de Cock, Fanny Madeline, Nicolas Offenstadt, Sophie Wahnich, Comment Nicolas Sarkozy écrit l'histoire de France, Marseille, Agone, coll. Passé Présent, 2008.

    Laurence de Cock, Emmanuelle Picard, La fabrique scolaire de L'histoire,Marseille, Agone, coll. Passé Présent, 2009.

    Nicolas Offenstadt, L'histoire bling-bling, le retour du roman national, Paris, Stock, 2009.


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