•        Mr Besson nous intime l’ordre, aujourd’hui, de répondre à cette question.

    Française, je le suis. Ma naissance, mon passeport, mon état civil le prouvent,  j’ai la « chance » d’appartenir à cette nation. Si seul mon passeport prouvait mon identité alors, il faudrait s’interroger.

    Née en Bretagne (c’est écrit sur ce papier officiel), première adresse les Antilles (mon pays, mon essence, ma conscience), deuxième adresse en région parisienne( ma construction, mon enseignement, mon accès à la vie d’adulte)…

    Serai je alors apatride mais française ?
    Trois lieux, trois visions de la France complètement différentes. Pourtant, pour la première fois, être française me semble plus que jamais être un poids à porter qu’une « chance ».

    Pourquoi ?
    Parce que demain on pourrait m’intimer de rendre hommage à des symboles, de chanter un hymne qui est le seul  au monde à être non pacifique pour ne pas dire belliqueux, de glorifier l’histoire des grands hommes…

    Je suis la génération bisounours, celle qui osait encore croire qu’être français c’était d’abord d’être libre. Libre de penser, libre de critiquer… Aujourd’hui on me demande d’adopter une armada de symboles, de valeurs…

    Demain, si j’ai des enfants je n’ai pas envie qu’ils soient de simple avaleurs de valeurs obligatoires. Hisser le drapeau, chanter la marseillaise, et glorifier Cyril Lignac ne peuvent pas constituer la réponse à la question posée initialement.

    Etre français dans la génération bisounours c’était avoir la chance d’être formé à l’esprit critique. L’égalité n’avait alors de sens que parce que la libre expression prévalait.

    Il fut un temps, en France, ou être fier d’être là, c’était être fier de s’inscrire dans cette continuité. France pays des droits de l’homme… Aujourd’hui la France nous dicte les valeurs auxquels on souscrit ou on s’en va.

    Alors peut être, même si la France on l’aime, on peut la critiquer.

    Etre français aujourd’hui, c’est être constamment vigilant face à un gouvernement peut être déviant, ou tout au moins critiquable.

    « La France on l’aime ou on la quitte » disent certains, une alternative est encore possible, on la construit ensemble et on ne l’impose à personne.

    CS   



  •        A l’occasion du grand débat sur l’identité nationale annoncé par Eric Besson, le ministère de l’immigration et de l’identité nationale a lancé ce lundi 2 novembre un site où tout un chacun est invité à répondre à la question : « Pour vous qu’est-ce qu’être français ? ».

    Le but de l’opération selon Eric Besson : faire une synthèse de toutes ces contributions afin de « redéfinir ce que sont nos valeurs […], et ce que va être notre avenir commun ». Vaste programme.
           Bien évidemment, les médias et autres professionnels de la contestation systématique vont s’atteler à remettre en cause les fondements démocratiques du débat en invoquant la modération douteuse du site. Les modérateurs du ministère contribuant à transformer ce débat en un simulacre d’espace d’expression démocratique en ne publiant que les contributions des thuriféraires de la politique de Besson et de la définition de l’identité nationale défendue par le ministère.
         
           Si cette vision paraît exagérée, la question mérite pourtant d’être posée. Besson a d’ailleurs pris les devants mardi 3 novembre en conférence de presse en assurant qu’il y avait bien modération de la part des webmasters du ministère, mais que cela permettait uniquement de « vérifier qu’il n’y a rien qui porte préjudice ». Et celui-ci de s’empresser d’ajouter « vous avez vu que sur le site, dans les réactions politiques nous avons volontairement mis des réactions extrêmement critiques, et même parfois très dures sur ce débat en respectant tout le spectre politique ». Il fait ici allusion aux contributions de politiques représentant effectivement l’ensemble des tendances. Toutefois on aurait du mal à imaginer un débat UMPo-UMPiste sur l’identité nationale. La remarque n’a donc pas lieu d’être tant elle est évidente. 
          
           Peu importe, la question ne se trouve finalement pas là. Car si tout le monde est invité à s’exprimer par le biais du forum, il semble bien qu’un certain nombre de « contributions » n’entrent pas en considération pour définir « notre avenir commun ». L’équipe de l’Edition Spéciale de Canal+ s’est d’ailleurs amusée à réaliser un petit test. Deux messages ont été postés sur le site de Besson. Le premier rédigé comme suit : « L’identité nationale c’est défendre le drapeau et la marseillaise comme le fait Nicolas Sarkozy ». Et le second : « Pour moi l’identité nationale c’est porter haut et fort les valeurs républicaines de la  liberté de l’égalité et de la fraternité et pas comme Sarkozy pratiquer le népotisme ». Un seul a été publié. Inutile de préciser lequel. Et le cas n’est pas isolé, de nombreux internautes se sont en effet plaint de ne pas avoir été publiés.
          
           On est donc effectivement face à un ersatz d’espace d’expression où les contributions, d’une grande indigence pour la plupart, oscillent entre la platitude de récitations toutes faites des symboles républicains qu’il faudrait respecter au nom de l’identité nationale, et un étalement de propos populistes à mi chemin entre réaction et conservatisme frôlant parfois même l’intolérance. Le tout contrebalancé par un soupçon de propos à la dissidence toute relative pour préserver la façade démocratique du débat. Quoi qu’il en soit, si Eric Besson se base sur les « contributions » des internautes pour définir « ce que va être notre avenir commun », celui-ci risque fort de s’assombrir… Conseillons-lui tout de même un petit florilège de commentaires relevés sur le site, et exacerbons tout leur potentiel humoristique. Bonne lecture Monsieur Besson.


    « Etre Française c’est être patriote, fière de mes origines, de l’histoire, la culture, le patrimoine, la langue, la gastronomie [...] Cela me ferait donc du bien que nos valeurs soient publiées pour être respecter et appliquées par tous » (Christine de Draveil 91)

    - Etre fière de sa langue, c’est bien. La maîtriser, c’est mieux…


    « Etre français c’est entre autre  "le bien manger" (aimer le fromage,boire du vin, manger de tout (y compris du porc) » (franco-français)

    - Vous savez ce qu’il vous reste à faire Monsieur Besson. Imposer de manger du porc au moins une fois par an. Si possible en chantant la Marseillaise…


    « Etre Francais c’est respecter la France et ses lois, […] c’est proteger son territoire. contre les envahisseurs » (Benjamin)

    - Sûrement les extraterrestres.


    « Etre français, c’est defendre l’egalité, la fraternite et la liberte mais c est aussi respecter le drapeau, la langue, la laïcité et la MARSEILLAISE !!!!!!! Que ceux qui la siffle, la quitte !!!! » (mag95)

    - Que ceux qui mettent six points d’exclamation après chaque mot aussi.


    « Pour moi être français c’est :
     ne pas siffler la marseillaise
     ne pas bruler des voiture pour X raisons
     ne pas profiter de la société
     parler français
     ne pas porter la burka (principe de laïcité) »
    (max74)

    - La question a été mal posée monsieur Besson, il aurait fallu demander : « Pour vous qu’est-ce que ne pas être français ? ». Certains auraient eu des choses à dire…


    « Être Français, c’est se souvenir de quelques vers de Rutebeuf, conserver quelque chose de l’esprit de Descartes, rire avec Molière, pleurer avec Racine, rêver que Rousseau ait eu raison et ne pas oublier que Danton a été nécessaire ; c’est dire « Bonjour » en entrant dans un café, prendre le temps de bavarder avec la concierge» (Gilles)

    - …et si possible parler de l’esprit de Descartes avec sa concierge.


    « Pour moi, être français c’est déjà préserver mon Pays et ne pas ouvrir les portes à toute la misère du monde. Voilà, en écrivant cela, je vais passer pour un gros raciste (sachant que personne ne l’est) mais j’assume. »  (Granfilou)

    - Le fait de préserver son pays ou de passer pour un gros raciste ?


    « Etre français,c’est pour moi une personne qui est née en France,et qui a des parents qui eux ne sont pas forcémént nés en France,etre français c’est parlé correctement français. » (floflomarquise)

    - Une évidence…


    « La double nationalité est un handicap pour la notion d’ identité. On ne peut servir deux maitres à la fois , surtout quand ces deux maitres sont completement opposés.
    A la rigueur un étranger ,tout en gardant sa nté initiale pourrait acquerir la nté française qu’ à titre honorifique. »
    (desouche)

    - L’avènement d’un tout nouveau type de citoyen : le français honoraire.


    « je pensse que 6 moi de service nationale serait bénefique a notre jeunesse. cela leur apprenderai boucoup de chose tel ke la dicipline, le respect des autre, le respect des régles, mais aussi apprendre a vivre,a se débrouiller seule... bref a devenir un homme digne de se nom. je fait moi méme parti de cette jeunésse. » (yann43)

    - « Un homme digne de se nom » se passe visiblement de l’orthographe en tout cas…


    « Pour moi être français c’est avoir un papa et une maman qui ont du travail.
    S’ils gagnent de l’argent, ils peuvent m’acheter les habits que j’aime, je peux inviter mes copains à ma fête d’anniversaire et on peut partir en vacance, comme çà je peux faire un exposé à mes camarades de classe sur mes vacances.
    Quand je serais plus grand, je voudrais aussi un travail pour gagner de l’argent. »
    (Léo 8 ans)

    - Etre Français : simple comme gagner de l’argent.


    « C’est d’abord payer ses impots sans rien dire,aimer son pays meme si on est au chomage. Ensuite avoir droit a un travail et un toit » (lulu)

    - L’identité nationale c’est avant tout avoir le sens des priorités.


    « Etre francais c’est savoir ou est le bien du mal » (nawel)

    - Etre français ou l’art du manichéisme.


    « Être français, c’est aussi partagé une histoire celle de la France royalistes, coloniale, colaboratrice , impérialiste et assumer cette histoire. La France a connu des apogées avec Napoléon 1er, De Gaulle et les Lumières, François 1er..., restent à nous de lui redorer son blason et d’en refaire un Etat fort et non un état qui dort sur ses lauriers passés que sont les droits de l’Homme. » (le gaulois)

    - Ca tombe bien, la France royaliste, coloniale, collaboratrice et impérialiste ont été des modèles de respect des droits de l’Homme.


    « Etre français c’est aimer son pays, c’est vouloir le défendre en cas de guerre, c’est essayer de ne pas le ruiner encore un peu plus économiquement en profitant plus que tout des aides qu’il octroie sans rien lui accorder en retour, c’est adopter la langue française comme langue maternelle et l’enseigner à ses enfants. C’es tenfin adopter un code vestimentaire français comme tous les français se sont toujours habillés. » (gefpal)

    - Vous avez compris les profiteurs, habillez vous comme tout le monde…


    « Nous avons enfin un président et un gouvernement qui ose alors ayons tous l’intelligence de suivre le mouvement et cessons cette hypocrisie Française de vouloir aider notre prochain parce que dans la réalité de tous les jours c’est tout autre.» (Francité)

    - Ah, l’altruisme à la française !


    « Pour moi, être Français, c’est :
    Respecter les règles du pays.
    Défendre ce pays et non pas l’insulter comme le fond certains.
    Ne pas siffler nos couleurs comme celà c’est déjà vu.
    Ne pas exiger, par exemple, une piscine réservée aux femmes sous prétexte de religion.
    Ne pas afficher ses convictions religieuse en se voilant ou s’enfouir sous des vêtements pour nous rendre méconnaissable.
    Ce n’est pas se faire acceuillir afin de profiter au maximum des allocations et autres indemnités sans rien offrir en échange.
    Ce n’est pas avoir plusieurs femmes et enfants avec chacune.
    Ce n’est pas mettre à feu et à sang dès qu’un voyou se fait arrêter ou contrôler.
    Que viennent faire certains migrants au lieu de défendre leur territoir national et non pas détaler comme des lapins.
    Combien de morts pour défendre leure patrie pendant les deux guerres mondiales »

    (cocorico)

    - Monsieur De Villiers, ce n’est pas très honnête de se cacher derrière un pseudo pour exprimer ses idées.

    Victor M.


  •                    



                                                 

    Nominé à Cannes cette année : Eric B., pour sa version remastérisée du « Terminal » de Spielberg

     

     

     

     

     

     

    Quand y’en a une, ça va. C’est quand y’en a plusieurs que les problèmes arrivent (avec Madame)

                            

    Xavier Bertrand tentant une Eric Besson. Pas une réussite Majeur.



    Evitez les heures de pointe dans le métro : l’air y est suffoquant et les fréquentations très aléatoires.

                      

    Contrairement à ce que dit la légende, Eric Besson n’a pas fait un enfant dans le dos aux socialistes.



  •           Depuis ce lundi, le débat annoncé par le Ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale est ouvert sur la toile avec l’ouverture d’un site spécialement créé pour l’occasion. A la vue du faible nombre de rendez-vous proposés par le site (cinq pour l’instant) par rapport à la place médiatique que le débat a pris depuis deux semaines, c’est sur le net que la bataille sera la plus importante. Les dernières campagnes présidentielles, celle, française, de 2007 ou américaine de 2009 ont prouvé l’importance du web quant à la diffusion d’idées via les blogs et les vidéos sur les sites de partages. Nicolas Sarkozy a mis en place dès son arrivée à l’Elysée le site « la présidence de la république » où toutes les vidéos de ses discours et de ses déplacements sont en libre accès. Le FN proposera lui aussi son propre site web sur la question, l’enjeu étant de « concurrencer » le site du gouvernement.


           L’ouverture d’un site web et d’une page sur facebook permet en premier lieu de mettre en place des réseaux et de diffuser rapidement une information, un rendez-vous, une idée. A la suite des différentes critiques face à l’ouverture du débat, le ministre à déclaré que « le peuple français s’est saisi du débat sur l’identité nationale ».  Un sondage du Parisien – Aujourd’hui en France publié ce week-end indique que 60% des personnes interrogées pensent que l’ouverture du débat est « une bonne chose ». Mais qui sont ces Français qui se sont saisis du débat ?

    Lorsqu’on découvre le site on peut remarquer différentes rubriques telles que « Ils s’expriment » où l’on peut lire les différentes déclarations sur le sujet publiées dans la presse. A la première page de la rubrique, ce sont pour la plupart des interventions de personnalités de la gauche (du PS au NPA) qui s’affichent. Il s’agit alors de Français « reconnus » et faisant partie de la sphère politique. Les concepteurs du site ont fait le choix de reprendre toutes les déclarations de politiques et d’intellectuels pour montrer que le débat est ouvert mais aussi pour éviter que l’on accuse le ministre de langue de bois. A l’inverse, la bibliothèque proposée par le site semble plus que partisane : des auteurs de la troisième république (Jules FERRY, Jules MICHELET, Ernest RENAN) à leurs héritiers (Jacques JULLIARD et Max GALLO), ainsi que des discours d’hommes politiques (Charles DE GAULLE,  André MALRAUX, Jean JAURES). Il est nécessaire de s’interroger sur le contexte d’écriture de ces différents ouvrages et discours. Ces travaux furent, en premier lieu, une réponse à la recherche d’une construction de ce qu’est la nation à la fin du XIXème siècle. Dans un deuxième temps, le débat fut reposé, notamment par Marc Bloch, dans le contexte de la défaite de la Seconde Guerre Mondiale. On peut aussi s’étonner de l’absence d’ouvrages tels que Le mythe national : l’histoire de France revisitée de Suzanne CITRON, Qu’est ce que l’identité nationale  de Gérard NOIRIEL, La création des identités nationales de Anne-Marie THIESSE ou bien encore Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythe et réalité d’Eric HOBSBAWM. La lecture de ces différents ouvrages permet entre autre de recontextualiser la notion d’identité nationale et donc les auteurs qui la façonnent, cités par le ministère au travers de cette bibliothèque (voir note de bas de page).

    Mais la rubrique « vidéothèque » sera sans doute plus visitée que cette bibliothèque. L’enjeu est d’atteindre, de toute façon, le plus grand nombre.  Cette première page, nous permet de voir le visage de ces français ayant pris part au débat. 

    Capture d'écran de la "vidéothèque", lundi 2 novembre, 17H30
     


    A première vue, on peut penser qu’il s’agit de huit vidéos avec huit personnes différentes : cinq hommes, trois femmes, deux jeunes, deux noirs et une personne âgée. En réalité, on nous renvoie à chaque fois sur la même vidéo qui est un micro-trottoir avec ces huit personnes. Le micro-trottoir est une pratique courante utilisée dans les émissions de télévision pour introduire un débat. Il permet via l’utilisation d’inconnus de mettre en exergue les différents arguments de chaque parti, il suffit de sélectionner les bons passages et de monter correctement la vidéo. Daniel Schneidermann avait fait la démonstration dans une émission d’Arrêt sur images de 1996, qu’ « avec le montage on fait dire ce qu’on veut, à qui on veut, comme on veut ».


    Extrait d'une émission d'Arrêt sur images - 20 janvier 1996


    Le problème ici est que l’utilisation de cette pratique par le gouvernement correspond plutôt à une mise en scène bien orchestrée. Au visionnage de ce micro-trottoir, les Français sélectionnés semblent avoir déjà bien compris les différentes propositions du ministre, telles que « être fier dans son pays », « savoir lire et écrire le français », « le partage d’une destinée » et « respecter le drapeau national français ». Les injonctions du ministre sont tout naturellement reprises par les intervenants, notamment par ceux censés représenter une origine étrangère.

     

    Même si les propos des personnes interrogées semblent très proches des premières pistes proposées par le ministre, c'est l’attitude de certains d’entre eux qui interpelle. On peut observer des lapsus dans ce petit montage que l’auteur du film n’a su voir. Le regard de certains intervenants penche vers le micro, on a l’impression qu’ils ne répondent pas de façon intuitive mais qu’ils récitent. Le troisième intervenant regarde à plusieurs reprises vers la gauche du micro et s’arrête après chaque argument. On a la même impression lors de l’intervention de la personne plus âgée qui semble vérifier son argument avant d’affirmer qu’être français, c’est « respecter toutes les règles (euh) qui vont avec, toutes les lois françaises ». Est-ce que certains de ces Français lisent leurs définitions d’ « être français » ? En visionnant une vidéo de l’Express ayant eu la même démarche de micro-trottoir, le ton des intervenants est nettement différent et personne ne semble s’inspirer du micro !

     


    Micro-trottoir réalisé par le ministère

    Micro-trottoir réalisé par l'Express.fr 

     

    Dans un article devenu célèbre « L’opinion publique n’existe pas », Pierre Bourdieu nous avait mis en garde contre les fonctionnements et les fonctions des sondages d’opinions. On pourrait se poser la même question autour du dispositif qu’utilise le gouvernement pour prouver l’intérêt des Français pour le débat sur l’identité nationale. La communauté créée par le site web et par facebook n’est en réalité qu’une communauté imaginée et organisée. Et la diffusion de ce genre de vidéo ne permet que d’imposer un discours qui pourra être repris facilement par les internautes.

    De plus, le ministre indique dans une interview sur les ondes de BFM ce même lundi, que plus de « 750 contributions » étaient parvenus sur le site. Peux-t-on réellement parler de contributions ou plutôt de petites-phrases et de slogans ?
     

      

    Capture d'écran de la rubrique "vos contributions" , lundi 2 novembre, 17H30

     

    Qui sont les modérateurs du forum ? Où peut-on signaler un abus ? Un article de Rue89 « Débat sur l’identité nationale : des textes d’internautes censurés », apporte des premières réponses à ces interrogations. Selon l’article, de nombreux internautes ayant tenté de contribuer se sont vus censurer leurs propositions, drôle de « débat participatif » !

     

    L’ouverture d’un débat sur l’identité nationale par le ministère chargé de l’Immigration est dangereux comme l’ont indiqué de nombreux d’historiens, à la suite de la création du ministère en 2007. La participation à ce genre de cyber-débat est aussi dangereuse dans sa pratique car celui-ci correspond en réalité à l’accumulation d’idée sans que celles-ci se confrontent ou s’unissent. L’enjeu n’est pas de construire un consensus  mais bien de mettre en place une multitude d’avis individuels qui cherchent, pour la plupart, à contredire un avis précédemment inscrit. La seule parole audible et compréhensible sera donc celle du gouvernement et ceux qui prendront parti dans les différents débats médiatiques. Le @-débat sera la source d’une légitimité qui ne résulte en réalité que d'une énième opération de communication du gouvernement.

    Comme l’a proposé le philosophe Mathieu Potte-Bonneville, dans une tribune à Libération, il est important de répondre à cette question « pour vous, qu’est ce qu’être français ? » par cela ne vous regarde pas. Mais d’autres questions peuvent se poser : pourquoi un tel débat avant les élections régionales ? Quelles sont les sources idéologiques de cette notion ? Quelle est l’histoire de la notion d’identité nationale ? Qu’est ce qu’un mythe national ? L’enjeu n’est pas de répondre aux questions proposées dans ce débat mais bien d’être vigilant et de fournir un effort critique face à celui-ci.

     

     

    Jean B.




    Note de bas de page: Le retour au questionnement sur la nation est du entre autre à un auteur absent de la bibliographie proposée par le site. Pierre Nora est sans doute le premier au début des années 80, avec les Lieux de mémoires à réintroduire la question de la crise identitaire française. Il explique dans son introduction que « peu d’époques ont vécu de façon aussi problématique la cohérence du passé national et sa continuité. Nous savions autrefois de qui nous étions les fils … et nous sommes aujourd’hui les fils de personne et de tout le monde».  La notion de crise identitaire a été une réponse à plusieurs évènements passés. Après le « vive la crise » des années 80, les acteurs de ce débat pensent pouvoir régler les difficultés auxquelles la France est aujourd’hui confrontée en instrumentalisant cette question. Le débat n’est au final qu’une diversion répondant à des besoins électoralistes.



  •        D'un coté, Daniel Vaillant se prononce sans ambiguïté sur la légalisation du cannabis. De l'autre, le gouvernement lance une campagne sur le thème « Drogues : ouvrez les yeux ».
    Au Etats-Unis, la Californie compte près de 200 dispensaires de marijuana.
    Ces évènements posent un débat sur la dépénalisation voire la légalisation du cannabis et sur la question du statut de cette herbe. Un statut qui pose bien des soucis aux politiques.

           D'abord, essayons de comprendre quelle est l'étendue de la pratique de la « fumette ».
    Reprenant les chiffres de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, on constate qu'en moyenne, en Europe, 20% de la population a déjà consommé du cannabis une fois dans sa vie, soit un cinquième de la population européenne, 71,5 millions de personnes.
    Recadrons à notre cher territoire français et constatons que la France fait figure de vilain petit canard drogué puisque elle se place deuxième en Europe sur ce même taux : 30,6% des Français entre 15 et 64 ans a déjà consommé du cannabis. Ce taux passe même à 43,6% chez les 14-34 ans.
    Nous ne sommes donc pas face à une pratique marginale de petits délinquants ou de forçats de la piquouse, clairement.
    Du coté de la législation, le consommateur s'expose à des peines maximales de 2 mois à 1 an d'emprisonnement et à 75 à 2200 euros d'amende.

    A l'opposé, on constate dans de nombreux Etats, une dépénalisation de la pratique et du commerce.
    Il y a l'exemple si bien connu des Pays-Bas et de ses nombreux coffee-shop mais cela ne s'arrête pas à cela.
    Le Portugal a voté la dépénalisation, l'Argentine a déclaré inconstitutionnelles toutes poursuites à l'encontre des adultes simples consommateurs, le Mexique est allé plus loin en annonçant une dépénalisation de l'usage de l'ensemble des drogues. La dernière affaire en date concerne les Etats-Unis où Obama a demandé à ses procureurs de ne plus poursuivre les patients et dispensaires dans les Etats ayant légalisé la pratique cannabique.
    Nous n'avons donc pas affaire à une représentation universelle de l'usage du cannabis. Pour résumer, l'idée que le cannabis est une drogue à prohiber est une construction.

    Avec l'aide de Howard Becker, de son ouvrage Outsiders et d'un de ses articles, nous pouvons montrer la construction d'une telle représentation.
    Il y a tout d'abord l'action de ce que Becker appelle « des entrepreneurs de morale » qui trouvent dans la création de normes leur raison d’être.
    Ils cherchent à supprimer le vice en créant le plus de normes possibles; plus largement ils se donnent comme mission d’ « aider ceux qui sont en dessous d’eux à améliorer leur statut » en élaborant des normes.
    Ici, la norme mise en place est celle de définition du cannabis comme drogue.

    Howard Becker, dans son article, s'intéresse au processus définitionnel et constate deux étapes. La première est la combinaison entre substance, mode d’administration et personne. « Quand une substance est ingérée d’une manière considérée comme impropre, par un type de personnes considéré comme inadéquat, et pour un usage lui aussi compris comme impropre, la substance est candidate pour être définie comme un narcotique. »

    La deuxième étape se centre autour de la personne qui doit considérer que la combinaison est inappropriée et donc que la substance est une drogue. Dans nos sociétés modernes, l'Etat est celui qui prend en charge ce travail de définition. En effet, il est la seule institution capable d'être un entrepreneur de morale assez puissant pour imposer sa définition à tout le territoire. Contrôlant les définitions médicales à travers son ministère de la Santé et contrôlant les enjeux légaux associés à n'importe quelle substance, l'État, à travers ces agents, décide des catégories et de ce qui s'y inscrit.

    Il y a, bien sûr, une lutte de pouvoir dans ces définitions et chacun cherche à modifier la manière dont la substance est considérée : dernièrement, le principal conseiller du gouvernement britannique sur les drogues a critiqué la décision du gouvernement de reclasser le cannabis comme une drogue. Cela lui a valu une démission forcée.

    Une fois la norme élaborée et le nouvel ensemble de loi créé, il faut la faire appliquer : « Ce qui a débuté comme une campagne pour convaincre le monde de la nécessité morale d’une nouvelle norme devient finalement une organisation destinée à faire respecter celle-ci» (H.Becker, Outsiders).
    D'où la récente campagne lancée par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

    A la fin de l'action de l'entrepreneur de morale, l'utilisateur de cannabis se trouve étiqueté comme hors-de-la-norme, un déviant et puisqu'il y a une législation, il est aussi un délinquant.

    Selon l' Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, le cannabis est la drogue la plus souvent citée dans les rapports de police concernant des infractions à la législation antidrogue en Europe. La majorité des délits liés au cannabis ont traits à la consommation ou à la possession pour usage personnel plutôt qu'au trafic et à l'approvisionnement. Dans la majorité des pays déclarants, entre 62 et 95 % des délits liés au cannabis ont trait à la consommation.


    Ainsi, on peut se poser la question de la définition du cannabis comme drogue et du consommateur comme délinquant car ni l'un ni l'autre ne sont marginaux et hors-de-la-norme. Le fait qu'il y ait une telle divergence entre les pays sur le statut du cannabis montre que sa définition de drogue n'est pas intrinsèque à sa nature et à ses effets. Il est donc nécessaire de comprendre quels intérêts ont certains Etats, dont la France, à continuer à faire de la pratique cannabique, un acte délictueux.

    Ian LD

    BECKER, Howard, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Métailié, Paris, 1985